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Publié le 6 Octobre 2019 par Michèle Harzo
Lettre de Sœur Joseph du Sacré-Cœur au Préfet
Monsieur le Préfet
Lorsque j’ai eu l’honneur de vous voir dans votre cabinet, j’étais incomplètement documentée sur les écoles que vous proposiez de laïciser.
Je viens aujourd’hui préciser les situations.
Nous maintenons nos intentions touchant l’école de la Motte car nos droits sont les mêmes qu’en 1903. Quand la commune de Plélo aura rempli ses obligations à notre égard, nous quitterons l’établissement.
Monsieur de Couëssin se réserve de faire valoir ses droits sur le local scolaire de Plédran bâti postérieurement à la donation mais sur le terrain donné par le fondateur.
A Plussulien et à Gausson, nos droits s’étendent à tout l’établissement. Les agrandissements et améliorations ont été le fait d’initiatives privées ou de la Congrégation qui, à Plussulien, se charge même des impôts et réparations. Les classes font d’ailleurs partie intégrante de la communauté et ne sauraient en être disjointes. Il nous serait donc impossible d’en concéder la jouissance aux institutions laïques.
J’ai tenu à vous en informer au plus tôt, afin que l’Inspection académique prenne des mesures en conséquence. Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l’hommage de mon profond respect.
Cette lettre interroge sur la notion de « propriété » des institutions religieuses.
A qui appartient un bien qui a été construit grâce aux dons de toute une population ?
Rappel des pages consacrées à ce sujet
Les religieuses quittent les locaux : cliquez ici
La maison a été achetée par la Commune : cliquez ici
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Publié le 25 Septembre 2019 par Michèle Harzo
Après les lois de Jules Ferry, les Sœurs continuent à enseigner après en avoir demandé l’autorisation (plusieurs conditions sont exigées, notamment, la salubrité des locaux et la compétence des instituteurs reconnue par un diplôme).
Mais, le 7 juillet 1904, l’Assemblée Nationale vote la loi d’interdiction de l'enseignement aux congrégations qui provoque un conflit avec le pape et entraîne la rupture des liens diplomatiques entre le gouvernement français et la papauté. C’est l’achèvement d’un affrontement violent qui a duré presque vingt-cinq ans et qui a opposé deux conceptions contraires du rôle et de la place des Églises dans la société française.
Le 6 novembre 1904, l'Inspecteur d'Académie fait l'état des lieux à Gausson et dans les communes limitrophes.
transcription (pour agrandir, cliquer sur le tableau )
Rappel : legs de l'abbé Moisan
Publié le 20 Septembre 2019 par Michèle Harzo
18 octobre 1902
Monsieur le Préfet
Vous avez bien voulu me demander mon avis sur la demande d’autorisation formée par les établissements des Frères de l’instruction chrétienne de Ploërmel qui sont situés dans le département.
Monsieur le Ministre nous demande de le renseigner sur les points suivants :
a) agissements des membres de la Congrégation
b) œuvres qu’elle poursuit
c) degré de prospérité de ses établissements
d) concurrence qu’ils font à l’enseignement laïc
e) gratuité des études dans les écoles
f) caractère d’utilité publique de ces établissements
(dans la marge) * On n’a pas idée, quand on est loin de la Bretagne, des moyens employés par le clergé breton pour peupler les écoles des Frères et vider les écoles laïques : refus de communion aux parents et enfants, vexations de toutes sortes à l’église, mise à l’index des parents récalcitrants, calomnies habilement lancées contre les parents et les enseignants … etc… rien n’est négligé pour atteindre le but qu’on s’est proposé.
Quant aux nobles et grands propriétaires, ils font une obligation à leurs fermiers et à leurs ouvriers d’envoyer leurs enfants aux écoles chrétiennes.
Conclusion : de tout ce qui précède, il résulte qu’à mon avis, l’autorisation peut être refusée aux établissements des Frères de Ploërmel. Il ne faut pas d’ailleurs oublier que les populations ne sont pas attachées aux Frères. La disparition des religieux ne causerait donc pas de pandémie.
Publié le 13 Septembre 2019 par Michèle Harzo
Pour mieux comprendre la réaction de M. Le Gac, il est intéressant de consulter les témoignages de personnes choquées par les agissements de certains prêtres qui tentent de « convaincre » les familles de retirer leurs enfants de l’école laïque. (dossiers T47 et T49 aux archives départementales à Saint Brieuc)
Voilà une lettre parmi des centaines d’autres
Merdrignac (lettre datée du 27 février)
Faits de pression cléricale
Pendant les deux premiers jours de la semaine dernière, nous avons eu les prières des quarante heures. La femme de Pierre Quelmet du village des Gautrais s’est présentée au confessionnal de M. Aubry, vicaire à Merdrignac.
Au moment de l’absolution, il s’adresse à la pénitente en ces termes :
- Vous avez deux garçons que vous envoyez à l’école laïque, je ne vous donnerai pas l’absolution si vous ne me promettez pas de les envoyer chez les Frères.
- Elle répond : « Mes enfants ont commencé à aller à l’école laïque, ils continueront ! »
- Mais alors, reprit M. Aubry, à quoi nous servira d’avoir dépensé tant d’argent pour construire une maison d’école de frères si les enfants ne la fréquentent pas ?
- Mon père, dit-elle, vous avez agi sans me consulter, il m’importe peu que votre école congréganiste ait 7 élèves ou n’en ait pas, j’attends l’absolution, voulez-vous me la donner, oui ou non ?
- Vous l’aurez si vous me promettez d’envoyer vos enfants à l’école chrétienne.
La pénitente quitte immédiatement le confessionnal.
M. Pierre Oger, cultivateur à Merdrignac et M. Contel, employé du gaz à Paris, qui ont entendu la déclaration de la femme sont prêts à témoigner.
Le même M. Aubry, s’est présenté il y a 6 semaines environ, chez le sieur Rigaud, père de deux petites filles qui fréquentent l’école laïque. La femme Rigaud était à la toute extrémité. M. Aubry, qui n’était même pas le directeur de conscience de la mourante, s’approche de son chevet et lui dit :
-Vous avez été une grande pécheresse et l’une des plus graves fautes que vous ayez commises, c’est d’avoir retiré vos petites filles de la communauté pour les mettre à l’école laïque. Vous allez comparaître devant le souverain juge et le seul moyen de voir ouvrir devant vous les Portes du Paradis est de conseiller à votre mari de retirer vos enfants de l’école du Diable pour les envoyer à l’école de Dieu.
C’est ce que fit la pauvre agonisante.
M. Pierre Briend, secrétaire de mairie à Merdrignac peut le confirmer.
Mêmes instances ont été faites près de la veuve Truca dont le fils avait un enfant à envoyer à l’école. Un autre vicaire, M. Poilvé, lui a fait promettre sur son lit de mort, d’envoyer chercher son fils pour l’engager à confier son fils aux Frères de l’Instruction chrétienne.
Publié le 4 Septembre 2019 par Michèle Harzo
Gausson, le 19 octobre 1891
Monsieur l’Inspecteur d’Académie
J’ai l’honneur de vous accuser réception de l’arrêté par lequel vous m’avez infligé, en exécution des instructions ministérielles du 13 octobre, la peine de la réprimande prévue par l’article 30 de la loi du 30 octobre 1886.
Je vous suis profondément reconnaissant, Monsieur l’Inspecteur d’Académie de la manière dont vous m’avez préparé à recevoir cette pénible nouvelle.
Soyez assuré que je ferai tous mes efforts pour réparer cette faute et que j’agirai désormais avec plus de prudence.
Veuillez agréer, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, l’assurance de mon profond respect et de mon entier dévouement.
L’Instituteur de Gausson, François Le Gac.
Publié le 30 Août 2019 par Michèle Harzo
14 octobre 1891
Réponse de l’Inspecteur
Monsieur le Préfet
J’ai l’honneur de vous accuser réception du télégramme ministériel en date du 13 de ce mois, aux termes duquel il y a lieu d’infliger à l’instituteur public de Gausson, pour avoir fait ou laisser faire, une annonce formellement contraire à la loi, la peine de la réprimande prévue par l’article 30 de la loi du 30 octobre 1886.
Conformément aux instructions de Monsieur le Ministre la peine de la réprimande va être infligée à M. Le Gac, instituteur à Gausson. Toutefois, j’estime, Monsieur le Préfet, qu’il est nécessaire de ne pas décourager cet instituteur qui est très méritant et très courageux au milieu de la tourmente où il se trouve engagé.
Le recteur de Gausson, secondé par un de ses vicaires, fait tout son possible pour empêcher les parents de nous envoyer leurs enfants et pour nous enlever les quelques élèves que nous avons. Tous les moyens lui sont bons : il persuade, il menace, et s’il voit qu’on n’est pas disposé à lui obéir, il insulte.
Ils battent tous les deux la campagne, le recteur et son vicaire, disant partout : « L’école laïque est une école sans religion et sans Dieu, une école d’impies où on ne voit que scandale et désordre. »
Je vous envoie ci-joint un extrait du prône fait par le Recteur dimanche dernier (voir page du blog du 7 août)
Il appartient à l’administration supérieure d’apprécier la conduite et le langage tenu par cet ecclésiastique à l’égard de l’école publique de sa commune.
Je crois devoir ajouter, Monsieur le Préfet, que c’est sur le refus du clergé, qui jusqu’à présent annonçait la rentrée des classes, ainsi que sur celui du Maire réactionnaire (*), que M. l’Instituteur Le Gac a dû faire annoncer par le crieur public, faute de mieux, l’ouverture de son école récemment laïcisée. Or il est avéré que c’est ce dernier qui, par ignorance ou par zèle, a commis l’imprudence de langage signalée par nos adversaires dans l’article du 8 octobre.
Pour me conformer aux instructions de M. le Ministre, je prie M. l’Instituteur de Gausson de se présenter demain à mon cabinet. Nous pourrons ainsi M. le Préfet entendre nous-mêmes ses moyens de défense et lui faire des recommandations nettes et précises dans le sens du plein respect de la loi et des instructions ministérielles.
(*) Ludovic Carro
Publié le 22 Août 2019 par Michèle Harzo
Cabinet du Préfet des Côtes du Nord
Saint Brieuc le 13 octobre 1891
Monsieur l’Inspecteur
Je reçois à l’instant, du ministre de l’Instruction publique, des instructions aux termes desquelles l’instituteur de Gausson devra être blâmé ce jour pour avoir fait ou laisser faire une annonce formellement contraire à la loi. Il y aura lieu de lui infliger la peine de la réprimande prévue par l’article 30 de la loi du 30 octobre 1886 et de lui donner instruction pour qu’il conforme dorénavant sa conduite à son devoir.
Je vous prie de bien vouloir passer à mon cabinet demain matin à 11h.
Publié le 15 Août 2019 par Michèle Harzo
Gausson
Loudéac le 7 octobre 1891
Monsieur l’Inspecteur d’Académie
J’ai vu dimanche M. Le Gac, instituteur à Gausson. Je l’ai interrogé au sujet des paroles que le journal l’Indépendance, dans son numéro du 2 octobre, prête au crieur public chargé d’annoncer la rentrée des classes. M. Le Gac reconnait que le dit journal a été bien informé : il regrette vivement cette affaire. Seulement, il affirme que c’est le crieur (lequel n’a ni tambour, ni trompette) qui, de de son propre mouvement et sans doute pour faire du zèle, avait ajouté ces mots, les seuls qui prêtent à critique : « pendant la classe ».
Chose curieuse, c’est depuis cet appel public à la confiance des familles que des élèves se sont présentés à son école, il doit en avoir 14 depuis lundi.
Désormais, il montrera toute la prudence nécessaire tout en continuant à lutter avec zèle et à détruire, dans ses entretiens avec les familles, le mauvais effet produit par les paroles malveillantes et mensongères des dignes pasteurs de la localité, car à Gausson, comme ailleurs, on ne ménage pas notre enseignement laïc. Vous pourrez en juger par la communication ci-jointe que M. Le Gac m’a faite le 1er octobre.
En résumé, la situation est la suivante. Autrefois, on nous combattait parce que nous ne nous occupions plus de faire apprendre le mot à mot du catéchisme, et maintenant que, dans l’intérêt des familles et des enfants, nous voulons bien nous plier aux exigences des recteurs et les seconder dans la préparation du catéchisme, ils nous attaquent plus violemment que jamais.
Le catéchisme qu’on enseigne dans les écoles laïques est, disent-ils, le catéchisme du diable, il n’y a de bon que celui des très chers frères. Quelle comédie ! Et comme ces gens-là font bien tout ce qu’il faut pour perdre la confiance des honnêtes gens pour comprendre la religion.
Veuillez agréer….
Monsieur l’Inspecteur primaire
J. Bréville
Publié le 7 Août 2019 par Michèle Harzo
Octobre 1891 : Le directeur de l’école publique, Monsieur Le Gac, outré par le prêche du dimanche 27 septembre, réagit en promettant de faire réciter le catéchisme pendant et après la classe.
C’est ce qu’on peut lire dans le journal « l’Indépendance bretonne » du 2 octobre 1891 ( journal catholique, politique, littéraire et commercial » édité à Saint Brieuc)
Selon les défenseurs de l’école catholique, c’est ce qui aurait déclenché l’arrivée d’élèves à l’école publique.
Transcriptions
Le prêche du 27 septembre 1891
« Nous avons, grâce à vous, construit une école chrétienne, c’était notre devoir, c’était notre droit. Je vous remercie de votre généreux concours et j’espère qu’il ne nous fera pas défaut pour achever l’œuvre commencée.
Votre devoir est d’élever vos enfants chrétiennement, de les éloigner du scandale, des mauvaises compagnies, de tout ce qui pourrait porter atteinte à leur foi. Or, comme je vous l’ai déjà dit, d’après un mandement de Monseigneur Boucher, les écoles du gouvernement, les écoles laïcisées sont des écoles sans religion, des écoles sans Dieu et malgré toute l’honorabilité des maîtres de ces écoles, il leur est expressément défendu d’enseigner quoi que ce soit qui ait un rapport avec la religion, ni prière, ni catéchisme. Tout livre, tout emblème religieux est banni des écoles laïcisées et j’ajouterai que des maîtres ont été menacés de révocation pour avoir laissé introduire dans l’école des objets pieux.
Nous aurons maintenant une école chrétienne qui s’ouvrira non pas au mois de mars comme on a pu vous dire mais bientôt, très prochainement, j’en suis certain. Là, vos enfants seront élevés chrétiennement par le cher frère.
Vous savez ce qui vous reste à faire. J’espère que vous m’avez compris.
Ceux qui enverront leurs enfants à l’école chrétienne peuvent les conduire dès maintenant à l’église, tous les matins à 8h. Là, dans une des chapelles, le frère leur enseignera un peu de catéchisme et un peu d’histoire sainte. »
Article de l’Indépendance bretonne (photo floue prise sur un lecteur de microfilms aux archives)
Loudéac – Gausson
Au son du tambour
Ah ! décidément, c’est trop drôle. L’administration académique, mettant de côté le système des petites habiletés en dessous, commence contre les écoles libres ses véritables campagnes de concurrence déloyale.
A Gausson, dans le canton de Plouguenast, les familles chrétiennes ont construit une école pour recueillir les Frères. L’école va ouvrir ses classes dans quelques jours. En attendant, les parents gardent leurs enfants à la maison et pas un élève n’a encore paru à l’école laïque.
Or, dimanche dernier, c’est-à-dire 15 jours après la rentrée, les instituteurs ont fait publier, au son du tambour, à la sortie de la grand-messe, l’avis suivant :
« Vous êtes prévenus que, contrairement à ce qu’on vous dit, l’école communale de garçons, dirigée par les instituteurs, et ouverte depuis le 14 septembre, n’est pas une école sans religion.
Les instituteurs se feront un devoir d’enseigner le catéchisme tous les jours, au moins trois quarts d’heure, pendant la classe, et après si besoin est.
Ils feront réciter les prières avant et après les classes. »
On a même poussé le zèle jusqu’à proposer de fournir les catéchismes.
Voilà de bonnes intentions. Reste à savoir comment elles seront appréciées par le gouvernement qui a imposé, malgré nos protestations, le même régime neutre à toute la France.
En tout cas, l’Académie aurait bien fait de parler plus tôt.
Maintenant, il y a une école catholique libre à Gausson. Les parents y enverront leurs enfants et la réclame au tambour ne fera que déconsidérer d’avantage l’école exécrée de l’Etat.