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Voix de Gausson : 30 mai 1915 - un combat intéressant!

Publié le 23 Février 2015 par Michèle Harzo

Voix de Gausson : 30 mai 1915 - un combat intéressant!

Lettre d’un aumônier militaire

Nous avons eu l’autre jour, un combat intéressant que j’ai pu entièrement suivre du poste de secours provisoire établi sur le versant d’une colline. Il s’agissait, de l’autre côté de la vallée, à 2 km environ, de prendre une côte d’où l’ennemi bombardait les villages voisins. Le génie, très habilement et courageusement, avait coupé, pendant la nuit, les fils de fer avancés de la défense. Dès l’aurore, il fit sauter par des mines et des pétards souterrains toute une ligne de tranchées allemandes. On vit distinctement des soldats bavarois lancés à 10 mètres de haut et projetés en morceaux à 100 mètres plus loin. Cela était horrible ! Mais voici nos sapeurs, malgré la vive fusillade ennemie et des pertes cruelles, avancent, sur rails mobiles jusqu’à 300 mètres du front adverse, un canon blindé de 65 qui fait des ravages. Alors notre artillerie, placée au-dessus du poste de secours, entre en jeu. Les 75 et les 90 tonnent avec rage. Mais là où le spectacle devient impressionnant, ce fut le moment où le général commanda la charge d’infanterie.

Nos fantassins sortent d’abord des tranchées, protégés par des boucliers d’acier, qui ont des fentes permettant de voir, de laisser passer le fusil, de tirer. Ils gagnent du terrain, mètre par mètre, par bonds successifs. L’artillerie les protège en tirant merveilleusement à 200 mètres au-devant de leur ligne et en allongeant son tir à mesure qu’ils progressent. Les fils de fer coupés d’avance sont franchis ! Alors au commandement, les boucliers tombent et l’ennemi, abordé à l’arme blanche, au son du clairon, s’enfuit, tandis que le canon devenu inutile s’est tu et que les Allemands dans le pêle-mêle des leurs et des nôtres n’osent bombarder. La côte est prise. Mais un quart d’heure après, quelle volée de mitraille ennemie. Nos fantassins se terrent. Nos canons ripostent. Le duel d’artillerie dure une heure. Puis les batteries allemandes, inférieures et repérées, se taisent successivement. C’est un beau succès.

Mais, hélas, notre tâche commence. Nous avons plus de 100 pauvres blessés qui arrivent au poste de secours, que l’on panse rapidement et que l’on évacue sur l’ambulance. Je puis les voir tous et administrer les plus gravement atteints. Quelques-uns sont morts dans le trajet du poste de secours à l’ambulance. On amène sur un brancard un sapeur qui a été le plus en avant couper les fils de fer et creuser des mines. Il a reçu deux balles : une en pleine poitrine aurait dû le tuer sur le coup, elle a frappé un livre qu’il avait dans la poche intérieure de sa capote, a dévié et fracassé l’épaule. Le major me passe le livre tout sanglant, en souriant. C’est « l’introduction à la vie dévote » de Saint François de Sales. Mon sapeur va mieux et on l’a décoré hier de la médaille militaire.

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